Conter pour lui n’est rien d’autre qu’un moment d’échanges et de partage où le conteur est le conducteur de ce véhicule à bord duquel le public est embarqué dans une aventure où le rire et la réflexion sont voisins, pour une prise de conscience sans heurts avec le temps et l’espace.
C’est un personnage joyeux qui transmet l’espérance du meilleur au prix de la passion et de la persévérance.
Adama ADEPOJU ou si vous le préférez ‘‘taxi-conteur’’ est un véritable passionné de l’art du conte, qui peut vous emballer dans son sujet des heures et des heures durant.
A l’occasion de BARA, (la Biennale des Arts du Récit d’Abidjan), qui se tiendra à Abidjan du 23 au 26 Novembre 2016, nous l’avons rencontré, juste pour nous dire deux mots, (vous avez bien entendu) deux mots. Voici !
Abidjanshow.com: Vous vous faites appeler Taxi Conteur. D’où vient cette appellation?
Taxi Conteur : Je suis Adama ADEPOJU à l’état civil. Taxi Conteur, c’est simplement un jeu de mots.
L’idée vient d’un projet que j’avais eu en son temps. Il s’agissait de débarquer pendant la récréation dans la cour des écoles avec un vieux véhicule. C’est-à-dire qu’on arrive et pendant que les enfants jouent, on gare le véhicule d’où je sors et je raconte mes histoires pendant cinq minutes. Bien entendu avec la permission des responsables. Cela pour permettre aux écoliers d’entendre autre chose.
Pour le nom, c’est mon ami et frère, le Dr Alain Tailly à qui j’expliquais le projet qui s’est écrié : ‘‘Ce sera un taxi-conteur !’’ Allusion faite aux taxis compteurs que nous connaissons.
Ainsi, dans mes spectacles, la salle est le taxi, moi je suis le conducteur et le public est embarqué. Et comme dans un taxi il faut payer la course. Avec ‘‘Taxi Conteur’’ le prix à payer consiste à répondre quand je dis : ‘‘Donnez en haut’’, le public doit répondre ‘‘En haut ! En haut’’. Quand je dis : ‘‘ Allo !’’, le public doit répondre ‘‘ Allo !’’ Et quand je dis : ‘‘Hé Taxi Conteur !’’, le public doit répondre : ‘‘Ziguizagua’’ comme ma mère pour dire zig-zag puisqu’elle ne comprend pas Français. Cela a eu un énorme succès. Ce qui fait que je suis plus connu sous l’appellation ‘‘Taxi Conteur’’ que par mon nom à l’état civil.
Abidjanshow.com: Comment êtes-vous arrivé dans l’art du conte ?
Taxi Conteur : Mon contact avec la scène a commencé à l’école primaire. Un jour, alors que l’école s’activait pour la fête scolaire, la plus sévère des institutrices, une dame à la chicotte facile, avec un chignon toujours allongé qui déforme son visage, se pointe dans notre classe. Elle demande qu’on mette à sa disposition deux élèves qui parlent beaucoup et bien. Des bavards quoi. Je fais partie des deux choisis par notre instituteur. Pendant qu’on suivait la dame, moi j’étais mort de peur. Nous sommes allés au mess du Commandement Supérieur de la gendarmerie au Plateau. Et là, avec une voix douce comme on ne l’a jamais entendu venant d’elle, elle nous dit : ‘‘Les enfants n’ayez pas peur. Nous allons faire une pièce de théâtre pour notre fête.’’ J’ai beaucoup aimé et j’ai pris goût.
Après, je suis allez à Bouaflé avec mon oncle qui y était enseignant. Quand je disais les poèmes il me demandait de le faire avec des gestes afin de les rendre plus vivants. Quand j’ai appliqué cela, les gens ont tellement apprécié qu’on m’appelait dans les classes pour montrer comment dire un poème. Le contact avec l’oralité a commencé par là.
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Abidjanshow.com: Et c’est devenu votre métier
Taxi Conteur : Je ne pensais pas faire de ça mon métier. Puisqu’après je suis allé à l’université d’où je suis sorti comme professeur de lycée et collège. J’ai exercé pendant six (6) le métier d’enseignant à Tiassalé. Mais je n’avais jamais abandonné les planches, notamment le théâtre.
A l’université, mon Maître qui était le Professeur Boté Zadi Zahourou a ouvert mes yeux sur toute la richesse du patrimoine orale. J’ai aussi été fortement marqué par l’étude du Tohourou avec le grand maître Mano Gbaza Diderot. C’était magnifique !
Depuis l’école, j’ai toujours été en contact avec le théâtre. A l’Université on a monté l’Atelier de Réflexion pour le Développement de l’Art avec le Dr Alain Tailly.
On a travaillé sur les contes. Quand je suis parti enseigner, j’ai continué de travailler le conte avec mes élèves. Et puis tout d’un coup, j’ai décidé de tout abandonner pour le conte.
Je me suis engagé entièrement dans le conte à la faveur d’un festival organisé par Obin Manféi. A la première édition de ce festival, j’ai pris le temps de regarder les conteurs professionnels venus d’Europe. J’ai vu que je pouvais faire comme eux. A la deuxième édition, je me suis inscrit. Personne ne me connaissait mais moi j’ai attendu mon heure. Et c’est arrivé par un concours de circonstance. La cérémonie avait commencé et le bus qui transportait les conteurs Européens était en retard. Alors j’ai pris le micro et avec l’accord du public, j’ai commencé à raconter des histoires. Quand le car est arrivé, un des organisateurs a voulu que j’arrête. Les conteurs professionnels qui m’ont entendu ont demandé que je continue. Ils ont trouvé ça génial. Ils ont commencé à parler de moi partout. C’est ainsi que le mois de Mai 1999, j’ai été invité en France où j’ai fait une semaine explosive. Et depuis ça ne s’est plus arrêté.
Tous ceux me connaissent ont trouvé que c’était un pari fou de laisser l’enseignement pour le conte. Mais moi je ne le regrette pas. C’est juste le fruit de la passion.
Abidjanshow.com: Est-ce cette passion qui vous a conduit à la création de BARA, la biennale des Arts du Récit d’Abidjan ?
Taxi Conteur : La Biennale des Arts du Récit d’Abidjan est la capitalisation de toutes les actions que nous avons menées depuis 1999. J’ai fait des actions avec des collaborateurs de promotion et de valorisation du conte. Le conte est un art ancestral et comme le disait le Pr Boté Zadi Zahourou, c’est l’ancêtre de toutes les autres formes d’art. Dans la civilisation de l’art négro africain, le conteur est un artiste complet. Il chante, il danse, il mime, il est poète… C’est un art total.
Abidjanshow.com: Le conte obéit-il à un parcours initiatique comme d’autres formes d’art. La danse masquée par exemple ?
Taxi Conteur : Je parlais tout à l’heure de passion. Moi je ne suis pas né d’une famille de conteurs. J’ai rencontré le conte en route, avec la passion de partager. Parlant de parcours initiatique, moi je dirais plutôt formation et travail. La première règle du conteur c’est de savoir écouter avec tous les sens. Moi, c’est la passion qui m’a mené là et le travail a fait le reste. Pour tout dire, le conte, c’est une scène avec des règles. C’est un métier.
Abidjanshow.com: Revenons à la biennale
Taxi Conteur : Pour revenir à la biennale, on a fait les JO, la journée de l’oralité ; on a fait la balade contée ; on a fait des ateliers de formation et stage en faveur des jeunes ; on a fait le festival pour jeune public… et on s’est dit tout ça c’est bien mais si on veut professionnaliser le conte, il faut qu’on ait une vitrine forte. Comme les moyens ne suivent pas toujours et comme notre secteur est un secteur ancien par rapport aux jeunes d’aujourd’hui, nous avons cherché à trouver une activité qui puisse fédérer les énergies. La biennale nous permet tous les deux ans de créer une grande fête des arts du récit. C’est important pour nous. Nous avons pu mettre en place, avec des amis, un important réseau en Afrique de l’Ouest, afin que le conteur ivoirien puisse faire le tour de l’Afrique de l’Ouest pour proposer des spectacles. Histoire de démontrer qu’on peut vivre de cet art-là.
La biennale est une idée de la Compagnie Naforo-Ba, composée de jeunes ivoiriens qui ont réussi à intéresser les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest. Cette année la biennale est ouverte aux pays de l’Afrique centrale. L’activité phare c’est le conte mais la biennale est ouverte à toutes les formes d’arts du récit.
Cette année, dans le cadre de BARA, il y aura la scène ouverte le jeudi 24 Novembre à l’Institut Français de 12 heures à 14 heures. Le slameur, le chanteur, le parolier, le poète, le danseur… pourront s’exprimer. La scène sera effectivement ouverte à tous. Et là on partagera la parole. Il y a aussi la parade qu’on appelle ‘‘Flash-conte’’, initiée en 2013, exportée en Martinique et au Congo.
Abidjanshow.com: Quelles sont les dispositions pratiques de la biennale ?
Taxi Conteur : La biennale c’est du 23 au 26 Novembre à Abidjan. La cérémonie d’ouverture aura lieu le mercredi 23 Novembre à partir de 14 heures au CNAC café-théâtre à Treichville. Le Jeudi 24 Novembre à partir de 10 heures à l’Institut Français au Plateau. Dans la soirée la première demi-finale internationale de conte va mettre aux prises le Sénégal, le Togo, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Burkina Faso. Le lendemain à Goethe Institut la deuxième demi-finale avec le Mali, le Niger, Congo Brazzaville et le Bénin.
La finale sera le clou de la biennale aura lieu le Samedi 26 Novembre à 18 heures au Goethe Institut
Abidjanshow.com: Un mot pour finir ?
Taxi-conteur : Je voudrais dire sincèrement merci à Abidjanshow.com à travers son DG qui, dès qu’il a vu le visuel de la biennale, a décidé de nous accompagner. Nous avons aussi le soutien de l’OIF, de l’Institut Français, du Goethe-Institut ainsi que de tous nos partenaires dans les pays participants qui ont organisé les présélections. J’invite grand le public à venir participer à la fête.
Entretien réalisé par 2A.
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