Nouveau coup dur pour Samsung. L’héritier du géant sud-coréen a été mis en examen pour corruption et détournement de fonds dans une affaire liée au Choigate.

Ce divorcé au physique de gendre idéal, considéré comme le plus beau parti du pays, croupit désormais dans une cellule spartiate, à quelques kilomètres de sa luxueuse villa du quartier cossu d’Hannam-dong. Un choc pour cet héritier élevé comme un monarque et qui avait repris les rênes de Samsung Electronics depuis qu’une attaque cardiaque avait foudroyé en 2014 son père, toujours entre la vie et la mort.
Vers une réforme de « chaebol »
Samsung a versé 37 millions de dollars à des fondations gérées par Choi Soon-sil, la conseillère de l’ombre de la présidente Park, surnommée « Raspoutine ». Les enquêteurs y voient des pots-de-vin destinés à s’assurer l’appui de la présidente à la fusion controversée entre deux filiales du conglomérat, en 2015. Le mariage entre Samsung C&T et Cheil était capital pour permettre à Lee Jae-yong et à ses deux sœurs de garder le contrôle sur le groupe tout en réduisant la faramineuse note des droits de succession estimés à plusieurs milliards de dollars.
Lee Jae-yong avait déjà subi les foudres et les insultes des parlementaires lors d’une audition musclée à l’Assemblée nationale, en décembre. Bousculé, la sueur au front, le vice-président de Samsung Electronics avait botté en touche, affirmant ne pas être au courant des détails de ces « donations ». Il devra se montrer bien plus précis lors de son procès qui s’annonce explosif et risque de déballer au grand jour les coulisses d’un groupe adepte du secret.
Derrière Samsung, c’est l’ensemble des « chaebol », ces conglomérats familiaux qui dominent l’économie sud-coréenne qui seront dans la ligne de mire de la prochaine élection présidentielle, prévue en 2017. Déjà, le chef de file de l’opposition, Moon Jae-in, a fait de la « réforme » des chaebol une priorité. Sous pression, Samsung a annoncé, mardi, la dissolution de son unité « stratégique » qui pilotait le groupe tentaculaire de plus de soixante filiales, ouvrant la voie à une décentralisation du management.
Un groupe à la croisée des chemins
Cette arrestation est un tremblement de terre pour le groupe qui pèse à lui seul 20 % des exportations de la quatrième économie d’Asie, et désormais à la croisée des chemins. Lee Jae-yong voulait secouer la hiérarchie confucéenne de Samsung en l’ouvrant à l’international par des acquisitions ambitieuses dans la Silicon Valley, dont le spécialiste en équipements audio Harman, pour 8 milliards de dollars. Il avait également lancé de nouveaux moteurs de croissance comme la biotechnologie, destinée à prendre le relais des smartphones et de la télévision, deux secteurs sur lesquels la concurrence chinoise est rude. Un chantier désormais menacé de paralysie.
Car Lee risque une peine de plusieurs années de prison qui pourrait l’empêcher d’imposer sa marque à la tête de l’empire, à un moment crucial, alors que Samsung Electronics cherche un nouveau souffle. Autre coup dur, Choi Gee-sung, le vice-président de Samsung Electronics, et trois autres hauts dirigeants sont également mis en examen, privant Lee de précieux lieutenants. À court terme, le géant de l’électronique poursuit sa route et compte bien rebondir en lançant le Galaxy 8 au printemps et effacer le fiasco du Galaxy Note 7, qui avait été retiré de la vente du fait d’un problème de batterie. Mais, en l’absence de capitaine, les décisions stratégiques risquent d’être reportées.
Sébastien Falletti
Correspondant en Asie, LePoint.fr