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Débat/Côte d’Ivoire : quand la culture des buzz dans l’audiovisuelle réveille la nostalgie des folles années de culture vraie

André Malraux le disait, ‘’La culture est l’héritage de la noblesse du monde, la seule force que nous ayons en face de l’élément de la nuit c’est précisément tout, ce qui en nous, échappe à la mort’’. Le disant, le célèbre écrivain français exprimait ce que devrait être l’homme dans ses rapports au monde.

Que voulons-nous qu’on retienne de nous après notre mort ? La réponse est nette. Nous aimerions qu’on retienne notre vécu fait d’actes qui s’inscrivent positivement dans la conscience collective. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui en Côte d’Ivoire où la culture des buzz a défiguré la culture audio-visuelle vraie. Et ce fait, douloureux pour son constat, réveille la nostalgie des folles années de culture audio-visuelle vraie.

A l’occasion de la mort du musicien sud africain Johnny Clegg en 2019, toute l’histoire des émissions radio-télé me sont revenues en mémoire et j’ai compris douloureusement qu’avec les buzz insipides et ridicules qu’on projette à longueur de journée sur certaines chaines télé, notre pays a rétrogradé sa culture audio-visuelle dans les bas-fonds des non-valeurs.

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Les jeunes anciens d’une certaine génération peuvent encore avoir en mémoire le choix, par le NG10, du titre ‘’I call your name’’ (du groupe Savuka auquel appartenait Johnny Clegg) à l’occasion de l’émission de vacances ‘’ Varietoscope’’.

Nous devions être en 1994/95. ‘’Varietoscope’’ fit danser à partir de 1985 la jeunesse au rythme des danses du terroir pour pérenniser les pans artistiques de notre pays. Ah oui ! Barthélémy Inabo et Serge Fatoh Elleingand, un duo de charme qui fit vibrer la jeunesse vacancière de la côte d’ivoire des années 90. RFK et son mythique ‘’Podium’’, laboratoire de musiciens de talent. Ah ! ‘’Vacances culture’’ de notre regretté Pol Dokui. Avec lui, on restait scotché à la radio des heures durant.

Cette jeunesse vacancière, elle n’avait rien de commun avec ces musiques acrobatiques briseuses de cous d’aujourd’hui, de ces festivals bidon où la bière et l’attiéké se font une farouche concurrence ; elle n’avait pas non plus le temps de ces spectacles insipides, de ces anniversaires ennuyeux, beaucoup plus des rendez-vous de brouteurs en manque de regards. Que j’ai mal. Je revois encore Blissi Tebil, avec une rare dextérité, exécutant les pas du zagrobi, un esthète celui-là. Voir Blissi Tébil danser, il symbolise à lui tout seul la philosophie du ‘’srèlè’’ bété.

Cette Côte d’Ivoire de la culture plurielle, j’en ai la nostalgie. Je me désole de la pauvreté des émissions plus enclines à célébrer les buzz tonitruants que des valeurs constructives. Certaines émissions (dont je tairai le nom), malgré quelques dérisoires efforts, sont un rendez-vous hebdomadaire de bruits de casseroles assourdissants pendant lesquels on apprécie difficilement la justesse d’une voix.

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Il n’y a presque plus de voix en Côte d’Ivoire, l’espace musical a été brutalement violé et pris en otage par des sonorités infâmes ; vraie pollution acoustique mon Dieu ! Et l’émission ‘’Génies en herbes’’, où est-elle, ce moment de farouches émulations entre les lycées du pays ? Disparue.

Aucun élève ne lit, aucune culture, aucun effort de dialectique, tous des numériques, experts dans la manipulation des androïdes mais incapables de tourner les pages d’un livre, ‘’une génération de crétins malfaisants’’ pour reprendre les mots de Léon Bloy. On comprend pourquoi ils n’ont que les portables comme unique ressources pour décrocher un malheureux baccalauréat par la ruse de la tricherie, mon Dieu !

Peut-on parler du théâtre scolaire et universitaire ? Certainement mais au passé. J’ai lu dans un vieux numéro d’Ivoire Dimanche d’il y a presque 30 ans, (encore une relique), sous la plume de Diégou Bailly, une invitation à faire son deuil et plus près de nous, en 1994 je crois, une dernière invitation à faire ses obsèques.

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Dire que c’était mon maître Zadi Zaourou qui fut à l’origine de l’estocade ultime donnée à cette expression culturelle qui révéla pourtant des noms comme Fargass Assandé, Troupa Gbizié alias Zoumana, Doh Kanon alias Mana Campès… On me rétorquera certainement que je fais vieux jeu, que c’est l’évolution. Je répondrai qu’une évolution n’est pas synonyme de dégradation et de reniement. Il faudra bien qu’un jour, notre conscience collective nous interpelle sur ce que nous avons fait pour cette jeunesse nourrie aux mamelles des buzz.

Diaman Emmanuel

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