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Pakinou obligé ! Tout sur la fête de Paques

 Paquinou, un véritable phénomène!!! 

Paquinou 1Comme chaque année, les migrations saisonnières du peuple Baoulé revenant massivement sur son terroir donnent une autre allure à la fête de Pâques ainsi transformée en une gigantesque kermesse festive, avec de nombreux événements de réjouissances profanes. Tropicalisée, Pâques est devenue ‘’Paquinou’’ avec son déferlement de population à l’intérieur du pays et sur les espaces récréatifs des grandes villes, créant toute une expression culturelle à l’échelle du pays. La résurrection du Christ, Jésus, cristallise donc la joie du peuple qui déborde de plus en plus sur le profane. Incursion autour d’un phénomène de plus en plus national.

Les origines de la fête de Paquinou 

Paquinou 2~1Ayant pour des raisons de pratiques agricoles, massivement migré dans les zones forestières de l’Ouest ivoirien, le peuple Baoulé saisit chaque année l’occasion de la fête de Pâques pour opérer un retour aux sources : ces retrouvailles sont mises à profit pour organiser des réjouissances, impulser le développement des villages d’origine, organiser les funérailles, en un mot maintenir la cohésion sociale. Ces migrations ont pour cadre la période de Pâques pendant laquelle le peuple Baoulé, originaire du Centre, célèbre à sa façon la résurrection du sauveur de l’humanité. A sa façon, car le contenu est complètement différent : le Paquinou typique aux Baoulé étant mis à profit pour organiser une véritable fête, avec tous les ingrédients que l’on peut imaginer : musique, chants, danses, rassemblements, mariages, baptêmes… Retrouvailles et solidarité se combinent alors autour de festivités gigantesques qui impactent même la vie culturelle, voire économique de tout le pays : tous les artistes du terroir sont mobilisés pour  animer les villages du Centre qui retrouvent subitement vie ; le grand mouvement de population requiert une importante mobilisation des moyens de transports que sont les cars, quand même les filles de ménage (en grande majorité Baoulé) ‘’paralysent’’ les foyers du pays, vu qu’elles se joignent massivement au mouvement…

William Kauphy, responsable à UTB s’inscrit dans cette vision de Paquinou : « Paquinou” signifie en Baoulé “pendant la période de Pâques ” ou tout simplement “En Pâques”. C’est un phénomène qui date des années 70. Pour le peuple Baoulé, cette fête religieuse chrétienne s’est, au fil du temps, transformée en fête populaire dans le Centre du pays. La raison est toute simple : cette période correspond à la campagne de commercialisation du café et du cacao de nos parents planteurs. En cette période, ils sont en possession d’une bonne manne financière susceptible de leur permettre de faire face aux problèmes de développement individuel et collectif de leurs différentes régions d’origine. En d’autres termes, c’est une période d’abondance chez nos parents planteurs qui également est choisie par les Mutuelles et Associations des villages pour réfléchir ensemble sur le développement de leur région…C’est donc un printemps tropical festif, une période de grandes retrouvailles et de réjouissances meublée de chants, de danses, de matchs de football, de la gastronomie, etc. pendant laquelle on s’éclate au maximum ».

 La Paquinou est marquée en général par des festivités ponctuées par des règlements de problèmes de famille, intronisations de chefs coutumiers et permettant à chacun de se connaître ou se redécouvrir et se projeter au sein de la famille ou de la communauté, des danses tradi-modernes, joutes sportives, partage de mets variés, de fiançailles et plusieurs autres activités festives. En un mot, on est progressivement passé d’une fête religieuse à un événement profane, distractive.

La fête de Paquinou gagne tout le pays ! 

Paquinou 3La traditionnelle fête baoulé a aujourd’hui, en plus du V Baoulé, gagné toutes les régions de Côte d’Ivoire. Et surtout Abidjan qui regorge de fortes communautés baoulé. Pour preuve, avant même la période de Pâques, des espaces de loisirs sont aménagés pour accueillir les fêtards. Des maquis où l’on joue uniquement la musique du terroir baoulé existe dans diverses communes et quartier d’Abidjan. Ces endroits en général baptisés “Ô’Baoulé” existent à Yopougon, Abobo, Koumassi et autres. Dans ces espaces, on tente de copier ce qui se fait au village, pour contenter les Baoulé Abidjanais. Et surtout en période de Pâques, on essaie de contenter ceux qui ne peuvent effectuer le déplacement du Centre avec des programmes très alléchants. Vous verrez donc ‘’Paquinou à Koumassi’’, ‘’Pakinou à Treichville’’, ‘’Paquinou à Abobo’’, Paqinou à Yopougon’’, ‘’Paquinou à Bingerville’’, Cocody et autres. L’intérieur du pays n’échappe à cette fièvre qui s’est emparée de nombreuses villes et bourgades. Yamoussoukro qui est une grande ville du V Baoulé, organise chaque année une fête de Paquinou baptisée “Mi Paquinou” durant le week-end pascal à l’hôtel Président, cœur touristique de la région, et cela depuis 2012. Cette année, les festivités de “Mi’Paquinou” démarrent ce jeudi 24 jusqu’au lundi 28 mars prochain.  Pour dire que la fête de Paquinou est en train de gagner l’ensemble du pays, avec également Daoukro où la fête de Paquinou est devenu une institution à travers le “Paquinou Obligé” ou FICAD désormais (Festival International de la Culture et des Arts de Daoukro)  du promoteur Akoto Olivier…

La désertion des villes et le départ massif des servantes! 

Paquinou4Chaque médaille ayant son revers, la fête de Paquinou qui engendre une grande ferveur de départs des villes vers les villages, ne manque pas de créer des désagréments à bien des personnes, de services ou d’institutions.

Il est en effet constaté que certaines filles de ménage, le plus souvent, ne prennent même pas la peine de prévenir leurs employeurs  et disparaissent juste avant l’événement pour pouvoir aller faire la fête pendant Paquinou. Mme Koutouan qui a fait les frais du « mauvais comportement » de certaines “bonnes” nous faisait ce témoignage: “J’ai laissé mes enfants avec elle et je suis allé au bureau. Rentrée tard, je trouve les portes de chez moi entrouvertes. J’appelle, personne ne répond. Je me rends immédiatement dans la chambre des enfants, je les trouve seuls Paquinou 3 plusenfermés dans leur chambre. Très inquiète pour cette dernière qui ne quittait jamais la maison, j’effectue des recherches pour apprendre qu’elle s’est rendue au village pour la fête de Paquinou. Abandonnant mes enfants et ma maison aux voleurs. Sa copine qui travaillait chez ma voisine de l’immeuble en face, est partie avec des vêtements et chaussures de cette dernière…” . Et ce qui fait que les “bonnes” d’ethnie baoulé sont très mal vues, surtout en cette période. Car désertant leurs différents postes de travail pour se rendre au village, complètement relookées. Il sera impossible de reconnaître Adjoua, Akissi, Affoué… durant Paquinou, car sur leur 31, dans des vêtements, bijoux et autres accessoires de mode super élégants, acquis avec le gain de leur labeur en ville. Ou souvent dérobés à leurs patronnes, pour certaines. Car Paquinou est comme un carnaval annuel où d’autres viennent pour faire étalage de leurs biens, bien ou mal acquis.

L’affluence dans les sociétés de transport

Paquinou 5~1Chaque année, en cette période, l’on constate une marrée humaine dans les compagnies de transport desservant le pays Baoulé. La plus sollicitée reste la compagnie chère au doyen Nsikan, UTB. Du fait du confort de ses véhicules, cette compagnie est saturée car prise d’assaut par “ces voyageurs saisonniers” qui ont hâte de regagner la terre ancestrale, après une absence plus ou moins prolongée. La gare d’Adjamé abritant le plus de compagnies de transport et la plus facilement accessible est la plus sollicitée en cette période. De longues files d’attente devant les guichets sont constatées ça et là. Les autocars deviennent du coup, rares, même après achat du ticket. L’atmosphère en général est celle d’une foule compacte de voyageurs impatients, mais enthousiastes. Des Coxers (rabatteurs de clients) très affairés animent la gare. Des embouteillages et un tohu-bohu généralisé règnent dans la grande gare d’Adjamé. Une amie partie pour se rendre sur Yamoussoukro, nous fait ce témoignage: “A mon arrivée à la gare, le coxer me fait savoir qu’il ya un car qui part dans pas longtemps. Et qu’ailleurs c’est plus grave. Ayant vu l’affluence dans les autres gares effectivement, je décide de le suivre. Je réussis après une dizaine de minutes à avoir un ticket. Mais, à ma grande surprise, je lis ceci sur mon billet de voyage ” 28e  départ”. Or il était presque midi. On me fait savoir que le 13e départ vient à peine de quitter la gare. Et seulement deux autres véhicules sont stationnés. Alors je me dis intérieurement : Quand vais-je embarquer avec tout ce monde ? Car en plus de cela, certains individus octroyaient et vendaient des places à pris d’or aux personnes pressées…”. En cette période là donc, le domaine du transport vers le V Baoulé est perçu comme un fructueux business par tous les transporteurs. D’où souvent le recours à des véhicules non conventionnels tels les minicars (ou Gbaka) sur ces différents tronçons. Certaines voyageurs passent même la nuit dans des gars pour être sur les premiers départs.

UTB et la fête de Pâques 

Paquinou 6Créé en 1984 par le doyen Kouamé Konan Nsikan, l’Union des Transports de Bouaké (UTB) est une entreprise familiale. Après leurs études, les enfants de cette famille mettent leurs connaissances acquises à l’école au profit de cette entreprise familiale créée par des parents qui, eux n’ont pas eu la chance d’aller à l’école selon William Kauphi (Directeur des relations publiques et Extérieures, et Conseiller du PDG de UTB). Cela, pour pérenniser, innover et surtout professionnaliser cette activité du transport. Basée à Bouaké, capitale du V Baoulé, UTB est, dès sa création au cœur du phénomène Pakinou. D’où des dispositions spéciales prises  chaque année pendant cette période de Pâques. “A l’époque, c’était les  véhicules appelés communément 504 et autres qui assuraient le transport Bouaké- Abidjan, en dehors du train. Et donc lorsque nos parents ont démarré avec cette société, ils ont innové en mettant l’accent sur la sécurité, le confort et la ponctualité. Ainsi pendant la période de Pâques, ils ont opté pour des départs éclatés avec plusieurs véhicules... Nous avons commencé avec 4 cars en 1984. Mais avant la période de Pâque en cette année -là, dans le souci de mieux couvrir le nombre pléthorique de voyageurs qui nous sollicitaient, nous sommes passés à 11 cars. Et donc depuis nos devanciers, UTB a toujours eu ce reflexe-là d’anticiper sur ces préoccupations liées à Paquinou… L’année dernière nous avoisinions les 250 cars auxquels nous venons d’ajouter 82 nouveaux véhicules. Et il faut préciser que nos cars sont à 98% climatisés avec tout le confort possible (ceinture de sécurité, écrans plasma, sièges réglables, climatisation parfaite…) comme si vous étiez dans l’avion “, confie William K. de UTB. L’entreprise est devenue en elle-même un point d’attraction, au point d’attirer sur ses différents sites des stands de grosses entreprises de la téléphonie mobile de la place, comme MTN, et bien d’autres, désireuses de se rapprocher de cette population perçue à jute titre comme une clientèle potentielle.

Des business autour de Paquinou

Paquinou Number 1Pendant la fête de Paquinou, naissent plusieurs commerces florissants autour de l’événement, dont les plus attractifs restent la gastronomie, la viande de brousse en particulier et la beuverie avec au menu le Bandji (vin de palme) et le célèbre Vin Valpierre. La nourriture la plus convoitée et prisée reste la viande de brousse. Mais avec le risque de l’Ebola ayant entraîné l’interdiction de consommer le gibier décidée par le Gouvernement, la question se pose cette année de savoir à quelle sauce… sera mangé le Paquinou 2016? Surtout qu’on ne peut raisonnablement envisager un bon repas baoulé, surtout en période de Pakinou, sans la viande de brousse accompagnée du vin ! Violente question, aurait dit N’guessan Bonsens, l’un des animateurs les plus en vue de Paquinou et des festivités baoulé, en général.

Valpierre, roi du Paquinou

valpierreEn période de Paquinou, ce n’est un secret pour personne, les boissons les plus convoitées restent les plus anciennes, conservatisme du terroir oblige : Bock Solibra communément appelée “Drogba” et l’incontournable Bordeaux de Tiébissou, le vin Valpierre ou Kiravi. Ces boissons très prisées ont occasionné d’autres business fructueux atour de Paquinou. Pendant la période de la Pâque en effet, toutes les entreprises focalisent le marketing et la stratégie de communication de leurs produits-phare sur le Paquinou. Ainsi, la bière Bock devient ‘’Bockinou’’. Les société de téléphonie, les nouvelles brasseries avec Number One…

Le vin “Valpierre” qui demeure le plus prisé par les consommateurs de Paquinou, devient du coup très rare en cette période. Et selon certaines indiscrétions, cette boisson serait détournée quelques mois avant la Pâque par un opérateur dans le but de créer une pénurie artificielle destinée à créer la surenchère par la suite. En effet, un certain Libanais dont les entrepôts seraient situés en zone industrielle de Koumassi, rachèterait plusieurs stocks de vin “Valpierre” avec la société de brasserie nationale pour les revendre à prix d’or à Paquinou. Mais le bon Baoulé, fidèle à sa tradition, ne se départit jamais de ce vin accompagné d’un plat à base de viande de brousse à la sauce Gnangnan, mets très prisé en pays Baoulé.

-Attention danger: Paquinou sans viande de brousse! 

 croixLa fête de Paquinou est une occasion où les citadins en général, en plus d’aller participer aux activités festives, vont pour se ressourcer sur tous les plans, en particulier pour la gastronomie locale à base de viande de brousse (gouti, écureuil, rat, hérisson, port épique, pangolin, biche, gazelle…). Mais depuis, l’avènement d’Ebola, la consommation de la viande de brousse est interdite sur tout le territoire national. Et depuis lors, les fêtes de Pâques en pays Baoulé ont pris du plomb dans l’aile, l’intérêt étend moindre. Certaines personnes ne pouvant imaginer un Paquinou sans viande de brousse au vin Valpierre et à la bière Dogba.

Mais aux inconditionnels de cette recette, il convient de tirer la sonnette d’alarme car Ebola existe bel et bien encore. Il vient de faire cinq nouvelles victimes en Guinée, tout récemment. Ce qui actualise l’interdiction gouvernementale de consommer du gibier. Car depuis un certain temps, du fait de l’annonce du recul de contamination, certains individus se donnent à cœur joie à la dégustation de la viande de brousse. Des noms de code sont même  créés pour passer une commande de plat à base de viande de brousse comme ceci: “Débora, la chose-là…”.

Sans lever l’alarme, il faut néanmoins se réjouir du changement de comportement de la plupart de nos compatriotes qui virent de plus en plus à de nouvelles habitudes culinaires, comme le cabri, le mouton… en lieu et place des “agoutis, biches, hérissons, écureuils et autres. Gageons qu’il en soit ainsi au menu des différentes Paquinou à Tiassalé, Toumodi, Yamoussoukro, Tiébissou, Bouaké, Botro, Sakassou, Dimbokro, Daoukro, Soubré, San-Pedro (Boignykro, Grobonou…), M’bahiakro, etc.

L’inflation des artistes tradi-modernes baoulé 

bon sensUn autre phénomène également constaté pendant cette période : la grande sollicitation donla tigresset sont l’objet les artistes tradi-modernes baoulé. Appelés à soutier le peuple au plan artistique, ces derniers sont littéralement raflés par les organisateurs de spectacles, à tel point que la demande étant supérieur à l’offre, les cachets s’envolent… au grand bonheur des intéressés tels les NGuess Bon Sens, Sidonie La Tigresse, Amani Djonny, Kouadio Morisson, Loukou Confiance, Bella Nikan… Mais même là encore, la plupart des villages ou manifestations n’arrivent pas à dénicher l’oiseau rare. Décidément, la ruée du Paquinou concerne l’âme de tout un peuple…

 

Par Athanase Konan

athanasekonan@abidjanshow.com 

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