Côte d'Ivoire/ Port-Bouët: Les habitants du quartier Zimbabwe menacés de déguerpissement

Tous de blanc vêtus, les habitants du sous-quartier Zimbabwe, encore appelé "Pointe des fumeurs" de Vridi 3 dans la commune de Port-Bouët au sud d'Abidjan, ont manifesté ce samedi 27 juillet 2024 au grand terrain, pour dire non à leur déguerpissement annoncé. Cette énorme mobilisation qui a vu la contribution des cadres du quartier, chefs coutumiers, guides religieux et représentants d'associations de femmes et pêcheurs, fait suite à une mise en demeure du District autonome d'Abidjan qu'ils auraient reçue le 19 juillet dernier.

Dans la mise en demeure signée par le Directeur général du District, Valérie Karma Boa, dont Abidjanshow.com a pu consulter une copie, il est écrit: "Vous occupez de manière anarchique le site du quartier dénommé "Zimbabwé", commune de Port-Bouët, qui ne respecte nullement les normes et la réglementation en matière d'urbanisme et d'habitat.

Aussi, dans le cadre de la lutte contre le désordre urbain, l'insalubrité et l'assainissement dans le District autonome d'Abidjan, ce site a été identifié comme une zone à risque et constitue un réel danger pour les populations.
Par conséquent, vous êtes priés, de bien vouloir prendre toutes les dispositions utiles afin de libérer ce site sans délai, dès réception de la présente mise en demeure."

Face à cette menace imminente, enfants, jeunes et adultes ont battu le pavé ce jour pour se faire entendre.
Traoré Saïbou, porte-parole des habitants de Zimbabwe, traduit sa surprise devant cette procédure mise en place par le district.

"Ils sont venus nous informer que cela se fera par phases. En premier, le recensement et par la suite la sensibilisation. Lors du recensement, il y avait une fiche sur laquelle devait être recensés les propriétaires et les locataires. À notre grande surprise, ils ont recensé que certains propriétaires car selon eux, les fiches ne suffisaient pas. Et voilà que nous recevons la mise en demeure dans laquelle on nous demande de quitter le site avec effet immédiat. Pourtant la procédure n'a pas été respectée", confie-t-il à Abidjanshow.com.

Traoré Saïbou estime que Zimbabwe n'est pas une zone à risque, avant de faire l'historique de ce sous-quartier.

"Nous sommes à Zimbabwe depuis 1962. C'est le Port autonome d'Abidjan qui nous a mis ici. Le site a été créé pour fumer le poisson. Depuis l'époque de nos parents, notre activité principale est la pêche et le fumage de poisson. Nous exportons nos poissons à l'international. Nos parents pêcheurs ont même été envoyés au Sénégal pour aller donner une formation aux pêcheurs de là-bas. Pour dire que nos activités contribuent aussi au développement de la Côte d'Ivoire.
Aujourd'hui, Zimbabwe compte plus de 40 000 habitants avec un groupe scolaire composé de 3 écoles. Nous avons un centre de santé, des églises et mosquées."

"Derrière cette mobilisation, l'objectif est d'avoir un tête-à-tête avec nos dirigeants pour qu'un échange véritablement, parce que jusque-là, c'est à travers les appels, de façon indirecte que cela se fait. Ensuite, nous souhaitons rester sur notre site. Zimbabwe, c'est chez nous. Nous souhaitons plutôt une restructuration plutôt qu'un déguerpissement.", ajoute-t-il.

Bandé Karamoko, habitant de Zimbabwe, revient, lui, sur les promesses du chef de l'État lors de sa campagne électorale de 2010.

"La paix et la compassion demeurent dans le cœur du Président. Nous lui demandons de se souvenir de sa promesse faite ici à Zimbabwe en 2010. Il a dit que la route de Zimbabwé lui rappelle celle de son village, Kong. Il a aussi dit qu'il mettra à notre disposition lors de ses 5 ans de mandat, le budget de 100 milliards pour restructurer les quartiers précaires. Même si vous ne nous avez pas remis l'argent, au moins épargnez notre site de ces casses", exhorte M. Karamoko.

Il termine en demandant aux jeunes de Zimbabwé de rester disciplinés dans cette lutte pacifique, car "la moindre erreur sera utilisée contre nous... Restez calmes, pas de violences, pas d'injures. Priez surtout. Car avec la grâce de Dieu, notre quartier ne sera pas cassé".

Kablan Carmel