Accéder au contenu principal

Interview / Eebra Tooré (acteur, au Festival de Cannes) : «Même Halle Berry a été obligée…»

Dans la peau de John Coulibaly, il a fait sensation dernièrement dans la série ivoirienne “Overmod” de Boris Oué produite par Line Jaber. L’acteur franco-ivoirien, Eebra Tooré, révélé dans le film “Vento di Sicilia” (aux côtés de Danny Glover, Michael Madsen, John Savage…) ou encore “22 Minutes” du Russe Vassily Serikov (où il joue le rôle principal du chef des pirates somaliens) livre à Abidjanshow.com les détails de son récent séjour cannois. C’était lors du 78e Festival de Cannes qui a eu lieu du 13 au 24 mai dernier dans la ville balnéaire de la Côte d’Azur.

Plusieurs années déjà que tu viens au Festival de Cannes. Un rêve de gosse et une satisfaction personnelle ?

C’est une satisfaction personnelle, surtout quand je repense à ma toute première fois à ce festival. C'était en 2008, je crois. Je ne connaissais personne, mais vraiment personne ! Aucune accréditation, aucune invitation… Juste des rêves plein la tête et des étoiles dans les yeux. Je m’étais dit, “un jour, j’y serai”. C’est aussi une satisfaction professionnelle, parce que j’ai tourné mon premier film italien “Vento di Sicilia” suite à une rencontre qui s’est faite à Cannes. A ce festival, on fait des rencontres intéressantes et d’autres moins intéressantes. Il y a un peu de tout, c’est la loterie. A toi de sentir les choses et de faire les bons choix.

Qu’est-ce qui t’a attiré cette année ?

La principale motivation est liée aux films que je pouvais voir. J’essaie d’en visionner un maximum. J’ai aussi des rendez-vous avec des productions étrangères. Il ne faut pas non plus négliger les rencontres inopinées qui sont d’ailleurs assez nombreuses. Cela peut surgir dans les allées du Marché du Film, dans les Pavillons de divers pays ou même en prenant un verre en terrasse… Et ces rendez-vous du hasard peuvent vous emmener sur des projets cinématographiques. Cela m’est déjà arrivé.

Comment as-tu vécu cette édition, notamment au niveau de l’ambiance et des rencontres ?

Le Festival de Cannes est le plus grand événement cinématographique au monde. Les plus grandes stars sont présentes. On y voit des belles robes, des beaux smokings… C’est la démesure complète. C’est beau, c'est féerique ! Et on y rencontre toutes sortes de personnages. Si le Brésil a son Carnaval de Rio, nous on a le “Carnaval” de Cannes (Il se marre : ndlr). Cette édition 2025 fut superbe. Il y avait de très beaux films, d’autres moins bien. Mais c’est le cinéma. Hâte d’être à l’année prochaine ! Et avec seulement un jour de pluie comme cette année, ce serait parfait.

Aujourd'hui, y a-t-il une meilleure visibilité sur le cinéma africain à ton avis ?

Le cinéma africain a toujours été présent à Cannes et a même remporté certains prix prestigieux. Depuis quelques années, il y a le Pavillon Afrique qui est installé. Ça permet de voir certains films provenant de divers pays d’Afrique que l’on n’a pas la chance de voir.

L’Afrique est-elle encore loin de remporter un jour la Palme d’or ?

L'Afrique et le Maghreb l’ont déjà remportée en 1975 avec le film “Chronique des années de braise” du réalisateur algérien Mohammed Lakhdar-Amina qui est décédé il y a quelques semaines. C’est la seule fois. Mais je reste persuadé que l’Afrique noire la remportera un jour. Le Festival de Cannes n’a jamais négligé l’Afrique. Souleymane Cissé a gagné le Grand Prix en 1987 pour son film “Yeelen” (lumière, en langue bambara : ndlr). Moussa Touré, Philippe Lacôte ont déjà eu leurs films respectifs “La pirogue” et “Run” en compétition dans la catégorie Un Certain Regard. C’est juste une question de temps. Il faut continuer à faire des films de qualité avec passion, sérieux, professionnalisme. Mais je vous l’affirme, l’Afrique noire aura sa Palme d’or un jour. Soyons patients.

Justement, un hommage a-t-il été rendu au géant Souleymane Cissé disparu dernièrement ?

Oui, un hommage lui a été rendu le 13 mai au Pavillon Afrique. J’étais présent en compagnie de ses filles dont Soussaba et Sira. C’était un bel hommage, même si j’aurais préféré qu’il lui soit rendu dans la grande salle Lumière ou la salle Debussy, devant tout le parterre du cinéma. En 2023, il a été honoré du Carosse d’or pour l’ensemble de sa belle et riche carrière. Dans la foulée, le festival l’avait de nouveau célébré sur le tapis rouge. J’ai eu l’honneur d’être présent avec toute la famille. Un moment inoubliable. Je faisais un petit peu partie de la famille, en toute humilité. Il avait toujours plein d’anecdotes à raconter. Le grand réalisateur américain Martin Scorsese lui avait donné carte blanche pendant le Festival Lumière à Lyon. Tous les deux étaient comme des frères. Souleymane était un homme jovial. Il me manque. Je sais qu’il manque terriblement à sa famille. Il manque au cinéma.

Avant la clôture samedi soir, il y a eu une panne géante d’électricité. Cela a eu une incidence sur le déroulement de l’événement ?

C’était plutôt un sabotage, un acte délibéré. Des pylônes électriques ont été sectionnés dans une ville proche de Cannes, et toute la région a été impactée. J’assistais à la projection de 8h30 du matin du film espagnol en compétition “Sirât”, et à 10h tout s’est arrêté brusquement ! Plus de son, plus d’images. Cela a duré une dizaine de minutes, puis le film a pu reprendre jusqu’à son terme. Évidemment, le Festival de Cannes peut se brancher sur des générateurs en cas de coup dur. Ce qui fait que la cérémonie qui se tenait le soir-même a eu lieu et cela s’est déroulé sans aucun problème. Mais pendant cet incident, personne dans la salle ne savait ce qu’il se passait à l’extérieur. C’est en sortant de la projection que je me suis rendu compte du blackout. Magasins fermés, banques fermées, réseaux sociaux et téléphoniques, ascenseurs, etc. Tout était H.S. Je n’avais jamais connu ça !

Autre chose. Au niveau du style et du look vestimentaire, c’est vrai que le protocole a interdit les tenues "dénudées" cette année ?

Oui ! Certaines tenues trop osées... Même Halle Berry a dû changer de robe pour la cérémonie d'ouverture.

Et ton principal coup de cœur de cette 78e édition ?

Il y a trois films que j’ai vraiment adoré. “Sirât”, un film franco-espagnol réalisé par Óliver Laxe. “Woman and child” de l’Iranien Saeed Roustayi. Puis, “Nouvelle vague” un film français de Richard Linklater. Et j’ai beaucoup apprécié la prestation de l’acteur américain Joaquin Phoenix dans le film “Eddington” réalisé par Ari Aster.

OK. Tes projets en ce moment ?

Je serai sur la scène du théâtre du Roi René au Festival d’Avignon pendant tout le mois de juillet, dans une pièce intitulée “Les garçons de la bande” (une adaptation de la pièce américaine “Boys in the band”) qui date de 1968.

Un message aux Ivoiriens ?

Je leur souhaite la santé, l’union et la paix, surtout à l’approche des élections présidentielles qui arrivent en octobre. Et pour les passionnés de cinéma, continuez de vous enrichir et de vous cultiver en visionnant des films africains, des films du monde entier avec la même ferveur et la même passion !

Réalisée par François Yéo

Pin It
402 vues

Aucun commentaire

Laissez votre commentaire

En réponse à Some User
MissCI2025